Comment les élites politiques africaines ont remplacé les colons pour piller nos richesses ?
Des élites africaines qui font pire que la colonisation.
L'histoire
de la corruption en Afrique n'est pas nouvelle : des dizaines de millions
de dollars manquent au ministère de la Santé du Kenya ; des milliards d'exportations
minières n'atteignent jamais les coffres du gouvernement en RD Congo ; et
des membres du cabinet au Nigeria utilisent des pots-de-vin reçus en échange des
contrats gouvernementaux lucratifs pour acheter des maisons à New York et à
Paris. La corruption est si endémique en Afrique que même les présidents ont
publiquement exprimé leur impuissance à combattre le vice. Ils sont eux-mêmes juges
et parties.
Pourtant, un nouveau rapport transnational montre la nature systémique dans laquelle les oligarques africains décomposent les structures de gouvernance existant afin de piller la richesse nationale. L'enquête menée par l'African Investigative Publishing Collective (AIPC) en partenariat avec Africa Uncensored et le magazine ZAM montre comment le clientélisme et le favoritisme ont eu un impact négatif sur les budgets et les économies de sept pays africains.
Intitulé
« La route du pillage au Panama », le rapport fait le point sur les
fuites de données de 2016, qui montrent les sociétés secrètes contrôlées par
des membres de l'élite politique et commerciale de l'Afrique - y compris les
services de renseignements, les juges et même le fils de l'ancien secrétaire
général des Nations Unies, Kofi Annan.
Et au
lieu de se concentrer sur les multinationales, souvent accusé de piller les
ressources nationales, le rapport examine le comportement de ses dirigeants et
leur complicité à voler l'argent des contribuables, à entraver les enquêtes judiciaires
et à maintenir des millions de personnes dans la pauvreté absolue. Dans la
plupart de ces cas, les dirigeants extraient la richesse de leur pays et la
stockent hors du continent, privant leurs propres populations de l'éducation,
de traitements médicaux, parfois même de l’eau et de l’électricité comme en RDC.
"Les oligarques africains font beaucoup plus que d'accepter des pots-de-vin", note l'AIPC. "Ce que nous avons déterré indique que ces élites se sont, dans une certaine mesure, transformées en structures de pillage colonialistes qu'elles ont remplacées". Dans beaucoup de cas, ils font pire que les colons tant décriés.
Des familles présidentielles africaines prédatrices des ressources de leur pays.
Au Togo,
par exemple, le secteur hautement stratégique des phosphates est géré par le
bureau du président Faure Gnassingbé - il est vendu à « qui ils veulent et
au prix qu’ils veulent ». La pauvreté généralisée dans le pays d'Afrique
de l'Ouest est maintenant au centre de protestations appelant Gnassingbé, qui
est à son troisième mandat, à quitter ses fonctions. Au Botswana, l'AIPC
affirme que le président Ian Khama contrôle l'industrie du tourisme lucrative
par la propriété des agences clés avec ses parents et amis, et canalise les
retours sur les comptes offshore.
La
situation est similaire au Mozambique, où les villageois de la région de
Montepuez ont été violemment chassés des champs de rubis et remplacés par des
généraux et des ministres. Au Burundi, les généraux et les hommes d'affaires
puissants ont développé des systèmes de favoritisme dans le cadre des contrats
gouvernementaux et exportent annuellement de grandes quantités d’or non
comptabilisées.
Au Rwanda et en RD Congo, le Parti au pouvoir et les familles présidentielles contrôlent et investissent dans presque tous les secteurs de l'économie. En République démocratique du Congo, le président Joseph Kabila et sa famille, surtout ses frères et sœurs Kabila Jaynet et Zoé, ont mis en place un vaste empire commercial qui a des intérêts dans des dizaines d'entreprises et apporte des centaines de millions de dollars chaque année. Crystal Ventures, holding du Front patriotique rwandais, domine l'économie en investissant dans tout le domaine, de l'immobilier à l'édition et au commerce de meubles.
Pourtant,
en dépit de la dissimulation de ces fonds dans des paradis fiscaux comme le
Panama, les cas d'excès et de pillage continuent d'entraîner des protestations
et des actions dans les capitales africaines. De nombreux activistes exigent de
plus en plus que les lois soient appliquées et que les institutions changent
leur comportement. Les manifestations contre le président Jacob Zuma d'Afrique
du Sud, dont les membres ont été accusés de corruption, et dont les membres de
la famille sont liés aux Panama Papers en sont un exemple.
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