Pourquoi 39 réfugiés burundais ont-ils été abattus en RDC par l’armée ?
Il y a plusieurs récits de la
protestation de vendredi, dans laquelle une fille de 10 ans était parmi les
personnes tuées. Le Congo a ouvert une enquête sur
les meurtres, mais il n'est pas sûr que justice soit rendue aux victimes au
pays de l’impunité.
Vendredi, les forces de sécurité en République démocratique du Congo ont ouvert le feu contre une foule de réfugiés burundais protestants. Au moins 39 personnes - y compris une fille de 10 ans - ont été tuées et 94 autres ont été blessées lors de l'incident dans le Sud-Kivu. Parmi les blessés, 37 ont été traités à proximité de Kamanyola, alors que 57 ont été gravement touchés et transportés par avion à Goma pour des soins médicaux.
Les détails de l'incident ne sont
toujours pas clairs, avec divers récits et déclarations officielles du
gouvernement en contradiction avec les affirmations de l'ONU sur la question.
Voici ce que nous savons jusqu'ici (source Al Jazeera) :
Qu'est-il arrivé ?
Dans la nuit du 12 septembre, une
patrouille de l'armée nationale Congolaise (FARDC) a arrêté quatre réfugiés
burundais armés d'armes dans la ville de Kamanyola, dans la province du
Sud-Kivu. Al Jazeera a depuis vu une vidéo montrant les quatre réfugiés avec
comme seules armes des bâtons. Ils ont été détenus pendant deux jours par
l'armée et ont ensuite été emmenés à la direction générale des migrations.
Le vendredi 15 septembre, vers 16 h
00 GMT, les réfugiés burundais et les demandeurs d'asile qui vivent dans la
région ont quitté leurs camps et sont allés au bureau de l'Agence nationale de
renseignement pour protester contre la détention des quatre hommes.
Les manifestants, un groupe de
quelques centaines, s'inquiétaient que les détenus soient rapatriés et remis au
gouvernement burundais qui pourrait les tuer. Ces personnes sont venues au
Congo pour se protéger. Non pas pour être tué.
Selon un témoin contacté par Al Jazeera, qui veut rester anonyme pour des raisons de sécurité, deux policiers locaux ont tenté d'empêcher les réfugiés d'approcher le bureau de l'Agence nationale de renseignement. Selon un rapport corroboré par une déclaration d'un fonctionnaire du ministère de l'Intérieur, les troupes ont essayé de disperser la foule en tirant des coups d'avertissement dans les airs. Les réfugiés ont répondu en jetant des pierres aux militaires car il est apparu clairement que les 4 Burundais arrêtés ne seraient pas libérés.
Selon le témoin, un réfugié a
attrapé un pistolet d'un soldat congolais et l'a abattu. C'est alors que les
soldats ont ouvert le feu sur la foule, tirant de manière sauvage et
indiscriminée.
Combien de personnes ont été tuées ?
L'Agence des Nations Unies pour les
réfugiés (UNHCR) a annoncé mardi à Al Jazeera que le nombre de morts avait
atteint 39, dont 15 femmes et une fille de 10 ans. Environ 114 autres personnes
ont été blessées, dont 57 ont été transportées par avion ou par des
hélicoptères des Nations Unies dans les villes de Bukavu et Goma. L'ONU a
confirmé qu'un soldat Congolais a été tué. Selon le gouvernement congolais,
cinq soldats ont été tués.
Il y a actuellement plus de 2 000
réfugiés dans la région de Kamanyola, près de la frontière du Burundi. À la
suite de l'incident, environ la moitié des réfugiés se sont installés dans les
environs de la base de MONUSCO, pour plus de sécurité.
Comment le gouvernement congolais a-t-il répondu ?
Le gouvernement congolais affirme
que l'armée a été attaquée par des personnes armées et non par des réfugiés.
Lambert Mende, ministre des médias et de la communication a affirmé à Al Jazira
qu'il y avait eu un échange de coups de feu et décrit l’incident « comme une
attaque contre l'armée ».
"L'armée congolaise a subi une
attaque par des personnes armées. Ce ne sont pas des réfugiés. Qui les a
identifiés comme des réfugiés ? Une enquête est ouverte pour les
identifier", a-t-il déclaré. L'armée congolaise devrait publier une
déclaration une fois l'enquête terminée.
Comment l'ONU a-t-elle répondu ?
L'ONU déclare que ceux qui
protestaient en dehors du bureau de l’ANR étaient des réfugiés et des
demandeurs d'asile qui ont demandé une protection internationale.
Babar Baloch, un porte-parole du HCR basé à Genève, a déclaré que l'agence avait plusieurs comptes rendus indiquant que la protestation était pacifique mais « a pris un tournant mortel quand les forces de sécurité ont tiré, à hauteur d’homme, sans discernement dans la foule ».
La MONUSCO, la mission de l'ONU au
Congo, a condamné l'incident et a appelé à une enquête immédiate sur
l’incident. Florence Marchal, porte-parole de la MONUSCO, a décrit la réponse
des forces congolaises comme "disproportionnées". "Ces personnes
sont venues au Congo pour se protéger. Ne pas être tué", a-t-elle dit.
Maman Sidikou, chef de la MONUSCO,
a également déclaré qu'il était "choqué par le grand nombre de morts
civils" et a appelé les autorités Congolaises à "ouvrir rapidement
des actions en justice pour établir la vérité et rendre justice aux
victimes".
Combien de réfugiés burundais vivent-ils en RDC ?
La plupart des réfugiés burundais
sont arrivés au Congo après les troubles de 2015, lorsque le président Pierre
Nkurunziza a décidé de modifier la constitution et de se porter candidat à un
troisième mandat.
Environ 300 000 personnes ont fui
vers les pays voisins alors que la violence et l'intimidation se sont répandues
dans toutes les régions du pays. Il y a actuellement 44 000 réfugiés burundais
en RDC.
Les réfugiés burundais en RDC gagneront-ils en justice ?
Bien que le Congo ait ouvert une
enquête, il n'est pas sûr que la justice soit rendue aux victimes de ce
massacre. C’est rare en RDC que les victimes des massacres reçoivent une
justice à la hauteur des préjudices subis. Les assassins sont toujours protégés
en RDC s’ils viennent de l’armée nationale, des groupes armés ou de la classe
dirigeante.
Laisser passer de tels actes sans justice ne ferait rien pour aider à éviter les abus des forces de sécurité à l'avenir. La justice est rare au Congo, c'est vrai, les cas d'abus commis par les forces de sécurité, sont généralement blanchis par des procès militaires bidon.
Un grand nombre de réfugiés /
migrants Burundais ont été tués, ce qui démontre au mieux une surréaction des
forces de sécurité et, au pire, des actes criminels délibérés qui doivent être
punis. Cela va de l’honneur de notre justice.
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