Démocratie bafouée, la RD Congo est le modèle de la Thaïlande.
Le glissement à la « KABILA » fait un émule.
Alors que le peuple réclame une date des élections, la junte au pouvoir en Thaïlande ne semble pas impressionnée. Invoquant la nécessité d'adopter une nouvelle série de lois électorales, le leader de la junte, Prayuth Chan-o-cha, utilise une stratégie que peu de gens s'attendaient à voir dans ce qui était autrefois un modèle de la démocratie dans la région : le glissement à la congolaise.
Un élément essentiel de la politique subsaharienne, perfectionné par des dirigeants autocratiques comme l’usurpateur Joseph Kabila en République démocratique du Congo, reflète parfaitement l'érosion des normes démocratiques en Thaïlande et sa ressemblance croissante avec la république bananière de la RDC. Tiré du mot français « glisser », glissement signifie en politique congolaise continuer indéfiniment à diriger un pays en refusant d’organiser les élections. Pour s'assurer de rester au pouvoir, le « glisseur » refuse d’organiser les élections. Dans ces conditions, personnes ne peut le remplacer ni le battre puisqu’il n’y a pas d’élections.
Peu de temps après le coup d’État militaire de 2014 en Thaïlande, le peuple thaïlandais a été assuré que le pays reviendrait à la démocratie l'année suivante. Cependant, après presque quatre ans et d'innombrables ajournements électoraux, Prayuth est maintenant parmi les plus anciens dirigeants de l'histoire de la Thaïlande. Des réactions critiques de la part de la communauté internationale, des groupes de défense des droits de l'homme et de l'opposition assiégée de la Thaïlande n’ont jamais obtenu, à ce jour, l’organisation des élections, à la place ils obtiennent des éternelles excuses et promesses que les élections seront organisées dès que possibles.
La dernière annonce date du mois dernier, lorsque l'Assemblée législative nationale (ALN) a décidé de modifier la section 2 du projet de loi sur les élections parlementaires. Le parlement exige que les élections soient encore reportées, ce qui les rend peu probable avant février 2019.
Démocratie thaïlandaise, style RDC
La ressemblance avec le glissement de la RDC ne s’arrête pas là, seulement. Les retards dans l'organisation des élections en Thaïlande ont légitimement soulevé des soupçons sur les motivations du gouvernement militaire actuel, surtout après que Prayuth ait affirmé qu'il n'était plus un soldat mais qu'il était maintenant un civil politicien. Le retard en cours donne à la junte militaire le temps de former un parti politique, sans parler de la possibilité de séduire, par l’argent et la pression, les députés des autres partis.
En RDC, l’usurpateur Joseph Kabila a organisé une série d'événements similaires. Son mandat présidentiel a pris fin techniquement en décembre 2016, mais les élections n'ont pas encore eu lieu en raison de problèmes présumés d’inscription des électeurs, de manque d’argent et d’insécurité. Un responsable de l'opposition a déclaré que le calendrier annoncé par la commission électorale « n'est pas un calendrier électoral mais un agenda politique ». Avant la fin du deuxième et dernier mandat de Kabila, les responsables ont suggéré que des élections se tiendraient en novembre 2016. Au lieu de cela, les espoirs d'une transition démocratique sans heurt ont été mis à la poubelle en septembre 2016 lorsque l'autorité électorale nationale (CENI) a annoncé que les élections ne se tiendraient pas avant fin 2017.
Kabila affirme que la CENI est un organisme indépendant. Cependant, l'image qui se dégage est un président essayant désespérément de s'accrocher au pouvoir en reportant les élections jusqu'à ce qu'il puisse trouver un moyen d'éliminer les limites de mandat qui l'empêchent de se présenter à une réélection. La dernière sortie de la CENI contre le peuple congolais, a été de dire que les élections n'auront pas lieu avant décembre 2018. Elle a répété les mêmes raisons qu’elle avance depuis 2015.
La connexion Shinawatra-Katumbi
Kabila et Prayuth partagent une technique politique favorite : aller à la rencontre des opposants politiques populaires en utilisant des moyens légaux et illégaux pour les éloigner du pouvoir s’ils n’arrivent pas à les acheter ou mieux les corrompre. Le clan Shinawatra de la Thaïlande a été longtemps attaqué par le système judiciaire et vit aujourd’hui en exil volontaire à l'étranger pour ce qui est largement considéré comme des accusations politiques et non pénales. L'ancien Premier ministre Yingluck Shinawatra a été repéré à Londres, pendant que son frère, Thaksin Shinawatra s'est réfugié à Dubaï.
De même, la principale figure de l'opposition de la RDC a également été contrainte de chercher refuge sur un sol étranger. Moise Katumbi, l'homme le plus susceptible de remplacer Kabila, a demandé l'asile en Belgique après avoir été accusé d’avoir embauché des mercenaires étrangers et d'avoir été condamné par contumace à avoir vendu une maison qui n'est pas la sienne. Depuis Bruxelles, Katumbi a appelé le peuple congolais à résister à la prédation de l'État par Kabila et a demandé la protection de l'ONU pour retourner dans son pays.
La pression sur les églises et leurs dirigeants.
Une autre similitude frappante est que dans les deux pays, l'établissement religieux constitue un élément clé de l'histoire du pays et de sa stabilité. L'Église catholique du Congo a critiqué à plusieurs reprises les machinations de Kabila, obtenant le soutien de personnalités de l'opposition comme Katumbi et Tshisekedi. Elle a exhorté M. Kabila à renoncer au pouvoir et a même organisé des manifestations lorsqu'il n'a pas respecté l'accord du 31 décembre 2016. Bien sûr, il y a eu un contrecoup inévitable contre l'Église, avec des séminaires et des églises rasés, des prêtres battus et abattus, et de nombreux morts parmi les fidèles.
En Thaïlande, l'histoire est légèrement différente mais aussi troublante. Le bouddhisme est l'un des principaux piliers du pouvoir dans la société thaïlandaise, et la junte a essayé plusieurs moyens afin de s'assurer de son soutien. En 2016, la junte a rejeté le candidat soutenu par le Conseil de l’église pour assumer le rôle de Patriarche Suprême du Bouddhisme, accordant au contraire au Roi le pouvoir de choisir lui-même les moines. L'année suivante, la junte a cherché à « réguler le bouddhisme » en adoptant une loi qui aurait donné plus de contrôle politique au Conseil suprême de la Sangha, l'organe directeur du bouddhisme en Thaïlande. Le résultat est un ordre religieux suffisamment intégré au régime pour ne plus poser de problème.
C'est une inquiétude pour plusieurs raisons. Par exemple, le « sud profond » musulman de la Thaïlande - Pattani, Yala, Narathiwat et Songkhla - a une longue histoire d'insurrection. La prédilection de la junte pour la promotion de l'hégémonie religieuse, ainsi que son approche musclée des libertés démocratiques, pourraient à nouveau attiser les tensions, tout comme la région du Kasaï fracturée de la RDC. La Thaïlande ne risque pas de rivaliser avec la crise des Rohingyas, mais le militantisme religieux de l'État ne fera rien pour calmer les tensions.
Pour le meilleur ou pour le pire, les décisions prises par les dirigeants non élus de la Thaïlande continueront à définir la politique du pays pour les années à venir. Glissement, après tout, est une tactique qui peut être appliquée bien au-delà de l'Afrique.
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