RDC : plus de 250 personnes dont des enfants victimes d'exécutions dans le Kasaï.
Plus de
250 personnes ont été victimes d'exécutions sauvages entre mars et juin au
Kasaï, dans le centre de la République démocratique du Congo (RDC). Parmi ces
victimes figurent 62 enfants, dont 30 avaient moins de 8 ans, indique un communiqué
du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme publié ce vendredi
à Genève. Selon cette équipe d'enquêteurs onusiens, les exécutions ont été soit
« extra-judiciaires » et commises par des agents de l'Etat, soit commises par
des milices de tous bords ou des rebelles.
La violence qui sévit dans les provinces du Kasaï, en République démocratique du Congo (RDC), a pris une dimension ethnique inquiétante. Selon le Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme, les informations recueillies durant le mois de juin par une équipe d'enquêteurs des Nations Unies suggèrent que par leur nature et leur échelle, certaines des violations des droits de l'homme et abus commis pourraient constituer des crimes contre l'humanité.
Les
exécutions ont été commises entre le 12 mars et le 19 juin, précise le
Haut-Commissariat, qui ajoute que sa Mission en RDC a recensé «au moins 80
charniers dans la région». Le rapport se fonde sur des entretiens menés par les
enquêteurs avec 96 personnes, qui ont fui vers l'Angola voisin, pour échapper
aux violences en cours au Kasaï. Les personnes interrogées ont indiqué que les
forces de l'ordre locales et d'autres agents de l'État ont activement fomenté,
alimenté et parfois même dirigé les attaques sur la base de l'appartenance
ethnique.
L'équipe
a vu des personnes gravement blessées ou mutilées, dont un garçon de sept ans
amputé de plusieurs doigts coupés et totalement défiguré. Une femme dont le
bras avait été coupé a raconté comment elle a réussi à s'échapper, en se cachant
plusieurs jours dans la forêt avant d'atteindre la frontière angolaise et
d'être évacuée par les airs et transportée à l'hôpital. Certains réfugiés ont
supplié l'équipe des Nations Unies d'écouter leurs témoignages, et deux des
personnes interrogées sont décédées peu après de leurs blessures.
Selon le rapport, «les Bana Mura aurait initié une campagne visant à éliminer l'ensemble de la population Luba et Lulua dans les villages pris d'assaut.» Dans bon nombre des incidents signalés à l'équipe, des soldats des FARDC étaient à la tête des groupes de la milice Bana Mura lorsque les villages ont été assaillis. Arborant des bandanas blancs fabriqués à partir de moustiquaires et des bracelets en feuilles, les miliciens Bana Mura s'en seraient pris aux habitants Luba et Lulua, décapitant, mutilant et abattant leurs victimes, certaines ayant même été brûlées vives dans leurs maisons.
«Les
survivants ont évoqué les cris de personnes brûlées vives, la vision de leurs
proches traqués puis abattus, et leur propre fuite, terrorisés», a d'ailleurs
déclaré le Haut-Commissaire aux droits de l'Homme Zeid Ra'ad al Hussein. «Ces
bains de sang sont d'autant plus terrifiants qu'il semblerait que les
populations sont toujours plus souvent ciblées en raison de leur appartenance
ethnique», a-t-il ajouté. Face à l'ampleur des abus, le Haut-Commissaire
adresse un «avertissement très sérieux» au gouvernement de la RDC, «afin d'agir
sans délai pour empêcher que cette violence ne bascule dans un processus de
purification ethnique à plus grande échelle». Le Chef des droits de l'homme de
l'ONU appelle ainsi Kinshasa « à prendre toutes les mesures nécessaires pour
s'acquitter de son obligation première de protection des personnes de toutes
origines ethniques dans le Grand Kasaï.»
L'équipe
a aussi recueilli des témoignages de viols et d'autres formes de violence
sexuelle. Tous les faits documentés par l'équipe de l'ONU impliquent des
garçons et filles, âgés de 7 à 13 ans, engagés comme combattants par les
Kamwina Nsapu. Des témoins ont également rapporté que des groupes de filles,
les «Lamama», accompagnaient la milice, agitant leurs jupes de paille et buvant
le sang des victimes dans le cadre d'un rituel magique censé rendre le groupe
invincible. Face à cette situation, les services du Haut-Commissaire soulignent
la nécessité pour l'équipe d'experts internationaux sur la situation dans la
région du Kasaï, établie en juin dernier par le Conseil des droits de l'homme,
de se voir accorder un accès sûr et sans restriction aux informations, aux
sites et aux personnes nécessaires dans le cadre de leur mission.
(Interview : Scott Campbell,
Chef de la Section Afrique Centrale au Haut-Commissariat aux droits de l'homme
; propos recueillis par Alpha Diallo)
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