IDA SAWYER d'Human Rights Watch déplore l’inaction de l’ONU en RD Congo. Aucune action efficace de l’ONU malgré les massacres répétés.
Manque de volonté réelle.
À la mi-mars de cette année, des hommes armés ont
assassiné Michael J. Sharp et Zaida Catalán dans la savane du Kasaï. Ces deux
experts de l’ONU étaient chargés de savoir qui étaient responsables des
violations des droits de l'homme et du soutien des groupes armés en République
démocratique du Congo.
António Guterres, secrétaire général des Nations unies, a promis que son organisation «fera tout son possible pour faire en sorte que la justice soit menée». Mais plus de deux mois se sont écoulés et ses déclarations n’ont jamais été suivies d’effet.
Ni les Nations unies, ni les gouvernements suédois
et américain n'ont fait assez pour arriver à identifier qui ont tué Mme Catalán
et M. Sharp, et aussi qui ont donné les ordres et pourquoi. Les quatre
Congolais qui les avaient accompagnés, leur interprète Betu Tshintela, un
conducteur de moto, Isaac Kabuayi et deux pilotes motos non jamais étaient
retrouvés.
Les tueries des enquêteurs des Nations unies
étaient exceptionnelles à plusieurs niveaux. Les deux étaient jeunes, des
individus remarquables. M. Sharp avait seulement 34 ans. Il était le
coordinateur du groupe très réputé des experts de l’ONU et avait passé trois
ans à parcourir l'est du Congo, persuadant les rebelles de déposer leurs armes.
Mme Catalán, âgée de 36 ans, était une activiste passionnée des droits de
l'homme et de l'environnement. Elle était membre dirigeant du Parti Vert en
Suède et a passé des années à travailler pour les droits de l'homme et la réforme
de la sécurité en Afghanistan, en Palestine et dans l'est du Congo.
Ensuite, il y avait la signification historique.
Ils ont été les premiers enquêteurs des Nations unies à mourir dans le champ de
bataille depuis que les Nations unies ont imposé les premières sanctions à la Rhodésie du Sud (maintenant Zimbabwe) en
1966. Depuis lors, des centaines d'inspecteurs de l’ONU ont été déployés, à
travers le monde, pour faire des rapports sur les violations de droit de
l’homme. Des talibans afghans au programme nucléaire irakien en passant par les
rebelles en Sierra Leone.
Enfin, et plus tragiquement, leur décès témoigne de l'attention accordée aux massacres de centaines de Congolais dans la région du Kasaï depuis le mois d'août dernier, ce que M. Sharp et Mme Catalán essayaient de clarifier. Les équipes de défenseurs des droits de l'homme ont découvert au moins 42 fosses communes dans la région du KASAI, dont une majorité est censée être commise par l'armée congolaise.
Au cours des 10 derniers mois, quelque 1,3 million
de personnes ont été déplacées par la violence au KASAI, plus que partout
ailleurs au cours de la même période. Plus de 600 écoles ont été attaquées ou
détruites, et plus de 1,5 million d'enfants sont touchés par la violence. Mais
presque rien n'a été fait pour rendre justice aux victimes.
L’ONU doit agir vite pour que les preuves ne soient pas détruites.
Plus longtemps les Nations unies attendront, plus
les enquêtes seront difficiles, car des preuves clés ou des témoins pourraient
disparaître. Des rapports disent déjà que des soldats creusent les fosses
communes pour couvrir les traces de leurs crimes.
Lors d'une réunion du Conseil des droits de l'homme
des Nations unies en mars, le haut-commissaire aux droits de l'homme a demandé
une enquête sur la situation dans la région du Kasaï. Les pays européens ont
convenu qu'une telle enquête était nécessaire, mais les efforts ont été bloqués
par le gouvernement congolais et plusieurs pays africains qui ont déclaré que
le système judiciaire congolais devrait avoir la possibilité de mener une
enquête sur les violences dans leur pays.
Plus de trois mois plus tard, le gouvernement congolais n'a pas réussi à mener une enquête crédible et le bureau des droits de l'homme des Nations unies au Congo n'a pas eu accès ou la coopération nécessaire pour apporter un soutien significatif. Le haut-commissaire a réitéré son appel à une enquête internationale la semaine dernière, et les membres du conseil ont l’occasion de lancer une enquête pendant leur session en cours.
Le secrétaire général de l’ONU a nommé une
commission d'enquête, mais il se concentre principalement sur la conformité aux
protocoles de sécurité des Nations unies. Cette commission n'a ni le mandat ni
la capacité d'enquêter sur les responsables des meurtres. Les États-Unis et la
Suède ont commencé leurs propres enquêtes, mais ils auraient très probablement
besoin de dépendre de la collaboration du gouvernement congolais pour
interroger les témoins, obtenir des enregistrements téléphoniques et visiter la
scène du crime.
Il faut faire plus.
Le président Joseph Kabila, qui devait démissionner
l'année dernière à la fin de son deuxième mandat, a montré peu de volonté
d'amener les responsables des massacres de Congolais ou les assassins des
enquêteurs des Nations unies devant la justice. Les membres des forces de
sécurité ont été directement impliqués dans les violences, et le gouvernement
congolais est spécialisé dans l’ingérence dans des affaires judiciaires sensibles.
L'impulsion à la justice devra venir de l'extérieur. Les enquêtes spéciales menées par les Nations unies sur les meurtres de M. Sharp et de Mme Catalán, ainsi que sur la violence plus large au Kasaï, devraient mener des enquêtes sur le terrain, recueillir des preuves et identifier des suspects. Les résultats des enquêtes devraient aboutir à amener les responsables des meurtres et autres abus, indépendamment de leur poste ou du rang, à rendre compte à la justice. Les enquêtes criminelles aux États-Unis et en Suède ou par la Cour pénale internationale pourraient aboutir à des arrestations et à des poursuites.
Il est important de se rappeler que sur le Congo,
il n'y a pas d'excuses pour l'inaction internationale. Ce n'est pas la Syrie,
où le soutien russe au gouvernement et la menace de l'État islamique ont créé
une impasse géopolitique. Le Congo a peu d'alliés engagés et puissants.
En fait, une grande partie de son budget est
soutenue par les gouvernements occidentaux et son armée est soutenue dans l'est
par la plus grande force de maintien de la paix des Nations unies dans le
monde. Ces paradoxes soulignent une vérité critique et inconfortable. Au Congo,
les plus gros obstacles peuvent être l'apathie et le manque de volonté
politique. Nous pouvons découvrir qui ont tué M. Sharp et Mme Catalán tout
comme nous pouvons rendre justice aux centaines de Congolais qui ont perdu la
vie au Kasaïs.
Traduit de l’anglais sur un article d'Ida SAWYER.
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